Noémie Delobelle : pourquoi une médaille 80 ans après sa disparition tragique ?

La commune de Burbure n’a pas attendu 80 ans pour reconnaître le courage et le sacrifice de Noémie Delobelle qui a donné son nom à une rue (celle qui traverse en partie le village) puis à l’école des filles aujourd’hui école élémentaire. D’où une certaine surprise à l’annonce de la remise d’une médaille 80 ans après sa disparition tragique… Non qu’elle ne fut pas méritée, au contraire, mais pourquoi si tard ? Beaucoup d’habitants se sont posé la question.

La réponse nous l’avons eue ce dimanche 27 avril lors de la cérémonie au cours de laquelle son fils Pierre s’est vu remettre, à titre posthume, la médaille de la Résistance française qui revient à sa mère Noémie Delobelle épouse Suchet : parce qu’elle était titulaire du titre de déportée politique (obtenu le 16 juillet 1957) et non de déportée résistante comme l’exigent les textes législatifs en vigueur. Une injustice qu’il aura fallu 80 ans pour réparer.

Cela faisait déjà quelques années que l’attention du délégué national avait été attirée sur le cas de Noémie Suchet. Sur une proposition de Vladimir Trouplin, directeur scientifique de l’Ordre de la Libération, le cas de Noémie Suchet est évoqué lors de la réunion de la commission nationale de la médaille de la Résistance française en date du 22 septembre 2023. Au vu des éléments transmis, les membres de la commission ont accepté à l’unanimité que le dossier soit soumis au président de la République, seul décisionnaire pour attribuer la médaille de la Résistance à titre posthume.  Le secrétaire de la commission, Fabrice Bourrée, a pris le dossier en main et l’a enrichi grâce à l’aide de plusieurs chercheurs et diverses institutions.

Combattante volontaire
Dans un premier temps, le titre de combattante volontaire de la Résistance a été accordé à titre posthume (3 avril 2024) à Noémie Suchet ce qui la rendait éligible à l’attribution de la médaille de la Résistance française. Avec l’accord de son fils Pierre, et de sa petite-fille Nathalie Wylleman-Suchet, le dossier a été communiqué pour instruction au ministère des Armées puis soumis à la commission nationale dans sa séance du 26 juin 2024. Un avis favorable a été émis à l’unanimité des membres de la commission. Suivant l’avis de la commission, le président de la République a donc décerné à titre posthume à Noémie Suchet la médaille de la Résistance par décret en date du 30 septembre 2024. Un véritable parcours du combattant.

Jeune résistante de Burbure
Pour entretenir la mémoire et la transmettre, il n’est certainement pas inutile de rappeler qui était Noémie Delobelle. Jeune résistante native de Burbure, Noémie Delobelle épouse Élie Suchet s’est engagée auprès de son mari mineur, membre actif du parti communiste clandestin, en janvier 1941. Les fonctions de Noémie au sein du groupe FTP mené par son époux sont multiples : agent de liaison, distribution de tracts, hébergement de résistants, soins apportés à des résistants malades ou blessés. Son certificat d’appartenance aux FFI mentionne une appartenance aux FTP de Burbure à compter du 1er juin 1942 mais ses activités clandestines sont donc bien antérieures à cette date.
Arrêtée par la Gestapo le 5 août 1942 à Burbure, emprisonnée successivement à la prison de Béthune, à la citadelle d’Arras puis à la prison de Loos-lès-Lille, elle est envoyée à la prison Saint-Gilles de Bruxelles en novembre 1942. Le 26 novembre 1943, elle arrive au camp de concentration de Ravensbrück. De là, elle est transférée le 14 avril 1944 à Holleischen, un kommando du camp de Flossenbürg où les déportées travaillent à la fabrication d’obus de défense anti-aérienne.
Avec deux autres détenues, Hélène Lignier et Simone Michel-Levy, Noémie Suchet poursuit ses actions de résistance au sein-même du kommando. Par leurs sabotages récurrents, elles réussissent à faire sauter la machine qui presse la poudre dans les douilles, privant ainsi l’armée allemande de quelques milliers d’obus. Un rapport sur ce sabotage est transmis à Berlin qui ordonne que les trois femmes subissent chacune 25 coups de bâton. Puis, le 11 avril 1945, les trois déportées sont transférées sur ordre de Berlin, à Flossenburg où elles sont pendues le 13 avril 1945, dix jours avant la libération du camp.

Décorée de la Croix de guerre
Simone Michel-Levy est décorée à titre posthume de la Croix de la Libération (décret du 26 septembre 1945) et de la médaille de la Résistance française (décret du 31 mars 1947). Hélène Lignier, quant à elle, reçoit aussi à titre posthume la médaille de la Résistance française par décret du 28 juillet 1955. Noémie Suchet ne reçoit aucune de ces deux prestigieuses distinctions pour les raisons évoquées plus haut. Le 22 décembre 1947, la Croix de guerre 1939-1945 avec étoile de vermeil lui est toutefois décernée à titre posthume. La mention « Mort pour la France » lui étant attribuée le 19 mai 1950.
Noémie Delobelle n’a jamais su que son sacrifice a contribué au fait que la France a retrouvé sa liberté et son honneur… Comme 40% des médaillés de la Résistance qui l’ont été à titre posthume, ce qu’a souligné Fabrice Bourrée, secrétaire de la commission nationale de la médaille de la Résistance française qui s’exprimait au nom du délégué national, le général Baptiste.

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