À Burbure et ailleurs : interrogations et inquiétudes autour de l’enseignement musical

Personne ne pourra dire le contraire. La musique d’harmonie fait partie de notre patrimoine immatériel, intimement liée au patrimoine minier reconnu par l’Unesco. À ce titre, elle doit rester vivante. Ce qui est encore bien le cas. Pourtant, une certaine inquiétude s’est fait jour.

La nouvelle carte territoriale n’est-elle pas de nature à favoriser les regroupements autour d’un conservatoire intercommunal à rayonnement départemental ? Ce serait préjudiciable à nos multiples harmonies, toutes différentes les unes des autres. Ce qui fait notre richesse. Au vu de ce qui s’est passé dans l’Audomarois et dans le Ternois, il est somme toute légitime que la question soit posée avec, pour ce qui nous concerne, la désormais très présente et très importante intercommunalité de Béthune-Bruay grossie par l’arrivée des communautés de communes Artois-Lys et Artois-Flandres.

Création d’un collectif
Amaury Bart, président de l’harmonie Avenir de Burbure, ne s’est pas gêné pour le faire. Il y a un an, il a même invité les présidents des sociétés musicales et les directeurs des écoles de musique du territoire à débattre de la question. Et dimanche (1er décembre), lors de la réception de la fête de Sainte-Cécile, il a (comme on dit chez nous) « remis deux sous dans le crincrin » et annoncé la création d’un collectif de sociétés musicales lors d’une réunion qui se tiendra ce jeudi 5 décembre à Gonnehem. Toutes les sociétés musicales (ensembles à vent, chorales, écoles de musique, etc.) du périmètre de la communauté d’agglomération sont concernées. Alors inquiétude légitime ? Ou pas.

Rien à craindre de l’interco ?
Si l’on en croit Éric Delaval, conseiller délégué en charge de la culture à la communauté d’agglomération, les sociétés musicales existant sur le territoire n’ont absolument rien à craindre de l’intercommunalité. Elle a certes créé un conservatoire pour Béthune et Bruay, appelé à être à rayonnement départemental, avec des antennes en différents lieux du territoire, mais sa vocation n’est pas de supplanter les structures existant dans les communes. Au contraire, ce conservatoire serait de nature à renforcer ce qui se fait déjà très bien ici et là, en mettant à disposition des écoles de musique, des professeurs que l’on aurait du mal à trouver (pour les instruments rares par exemple). Cela permettrait d’accueillir et de former les élèves qui souhaitent aller jusqu’au bout de leur cursus de formation, soit le 3e cycle, alors que dans le meilleur des cas, les écoles de musique de nos communes, associatives ou municipales, accompagnent leurs élèves jusqu’au terme du 2e cycle… Avec obligation pour les élèves concernés de jouer dans un orchestre d’harmonie ? D’aucuns voudraient que cela soit obligatoirement dans l’orchestre dont les élèves sont issus… Ce pourrait être légitime mais paraît compliqué.
Alors Amaury Bart et ses collègues présidents de sociétés musicales, joueraient-ils à se faire peur ? C’est que la question n’est peut-être pas aussi simple qu’il y parait.

Former des musiciens d’harmonie
Il faut bien comprendre que dans les plus petites communes, les écoles de musique – pas toutes municipales – sont surtout là pour former des musiciens d’harmonie. Pas des pianistes, des guitaristes ou des violonistes plutôt des clarinettistes, des flutistes, des saxophonistes, des trompettistes ou des trombonistes. Comme tout démarre par le solfège, les responsables et professeurs des écoles de musique ont un peu de temps devant eux pour « inviter » leurs élèves à choisir un instrument qui serve l’intérêt de la société locale de musique (il manque parfois de monde dans certains pupitres)… Reste que rien n’interdit à quiconque de débuter ses études musicales directement au conservatoire qui n’a pas pour vocation à former des musiciens d’harmonie… mais des musiciens tout court. Le risque de voir le nombre des élèves progressivement diminuer dans les écoles de musiques « locales » est donc bien réel. Avec une crainte toute légitime… Quel intérêt pour la commune de payer à la fois pour une école de musique « amoindrie » chez elle et pour ce fameux conservatoire que tout le monde financerait puisqu’il est repris au titre de la culture dans les compétences optionnelles d’intérêt communautaire ?

Point à éclaircir pour éviter le flou
Il y a polémique sur ce point. D’aucuns affirment que les communes ne financeraient pas (exceptées celles de Béthune et Bruay) le conservatoire communautaire et d’autres disent le contraire. Cela reste un point à éclaircir. Mais compte tenu de ce flou, pour certains élus dont le seul intérêt d’une harmonie est d’être au pied du monument aux morts (et encore, elle pourrait très bien être remplacée par un CD et une sono), ce pourrait être tentant de supprimer les financements.
Ce n’est fort heureusement pas le cas à Burbure où la municipalité tient à son harmonie et à son école de musique, et fait tout pour qu’elles puissent continuer à vivre et à se développer. Elle a d’ailleurs toute compétence pour le faire… tant que le fameux intérêt communautaire se limitera à la création d’un conservatoire à rayonnement départemental, centré sur Béthune-Bruay. Mais rien n’interdit de faire évoluer ce périmètre d’intérêt communautaire, à la suite d’une prochaine élection (les municipales arrivent) par exemple. Il suffit pour cela d’un vote aux deux-tiers de la majorité qualifiée.

De l’intérêt de ne pas transférer la compétence
Selon René Hocq qui répondait à Amaury Bart, dimanche, les élus de la communauté d’agglomération n’ont pas cette intention. En substance, il expliquait que ce serait une erreur car, pour lui, les communes se doivent de conserver un maximum de compétences (celle là comme d’autres) au risque de disparaître un jour.
Mais dans le cas contraire (on ne sait jamais ce qui peut arriver) et comme c’est le cas pour le tourisme, l’apprentissage de la musique pourrait parfaitement relever de la seule compétence de l’intercommunalité… Avec en toile de fond, un autre problème. Quid de ces professeurs de musique, souvent (pas toujours) bons pédagogues mais pas diplômés qui, de fait, se retrouveraient sur la touche du jour au lendemain… Car l’intercommunalité ne pourra faire travailler que des professeurs diplômés dont le métier est d’enseigner, en ayant contractuellement toute liberté d’aller jouer (ou pas) dans l’orchestre de leur choix.- Philippe VINCENT-CHAISSAC / Votre Info

Dimanche, René Hocq a réaffirmé à Amaury Bart, son soutien à l’harmonie et son attachement à l’école de musique municipale.- Photo © PVC / Votre Info




2 pensées sur “À Burbure et ailleurs : interrogations et inquiétudes autour de l’enseignement musical

  • décembre 4, 2019 à 7:02
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    Amaury Bart a tout à fait raison . Il suffit qu’aux prochaines élections communales , des maires , par les charges que demandent une école de musique , ne soient plus intéressés suite aux diminutions des dotations de l’ Etat . Alors que la musique de proximité oeuvre à maintenir un climat d’entente , de vie , de joie , de rapprochement du peuple : jeunes ou âgés pour vivre ensemble . L’ Homme a besoin de passion pour exister . On ne vend pas la musique , on la partage .

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  • décembre 6, 2019 à 11:09
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    Je pense que tohs les maires seront d’accord pour que ce soit l’intercommunalité qui paie les écoles de musique (et non leur commune!!!!) Alors Adieu toutes ces petites harmonies de village qui répondaient toujours PRESENTES aux animations municipales pour le plaisir(peut-être!!) des habitants….Adieu tous ces petits jeunes qui peuplent les écoles de musique(et qui n’iront pas au cours à Béthune ou Bruay!) mais surtout aussi Adieu à tous ces »vieux » (et moins vieux) qui se retrouvent avec plaisir aux répés et qui s’appliquent à jouer Certes ils n’ont pas tous été initiés par des prof de conservatoire mais par des musiciens tout aussi bons!! Merci à eux!!!

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