Humeur : Ne met-on pas les maires, leurs adjoints, leurs conseillers et les populations en danger ?
Avoir organisé le premier tour des élections municipales dans le contexte de crise sanitaire que nous connaissons était une erreur. Une grave erreur… Et pourquoi vouloir à toutes fins organiser l’élection des maires et des adjoints dès ce week-end alors que nous sommes en guerre (pour reprendre les propos de notre cher président) et que toute la population est désormais confinée, avec les rappels à l’ordre, justifiés, qui s’imposent.
Dès mardi une circulaire rédigée par la Direction générale des collectivités locales, et signée par Sébastien Lecornu et Jacqueline Gourault, ministres chargés des Collectivités territoriales, a été envoyée aux préfets précisant que les maires élus ou réélus au premier tour, dimanche dernier, doivent réunir leur conseil municipal entre vendredi et dimanche. Et il justifie la position en précisant que pour gérer la crise il fautdes services publics locaux et donc des maires installés. Un argument qui ne tient pas debout car des conseils municipaux et des maires sortants, il y en a partout. N’aurait-il pas été plus intelligent de les maintenir en fonction jusqu’à la sortie de crise ? Par le biais d’une ordonnance, un peu dans l’esprit de celle du 21 avril 1944 « portant organisation des pouvoirs publics en France après la Libération ».
DES VOIX CONTRE S’ÉLÈVENT
Maintenir ainsi les élus en place aurait l’immense avantage de pouvoir compter sur des gens ayant l’expérience de la gestion d’une commune alors qu’en procédant comme le veulent les ministres, l’on prend le risque de voir arriver dans les mairies, en pleine période de crise, des élus sans aucun doute de talent et de bonne volonté, mais qui ont bien souvent tout à découvrir de leurs nouvelles fonctions.
Un peu partout en France, des voix s’élèvent pour combattre cette circulaire. Michel Marchal, le maire de Bure (54) – que nous connaissons bien à Burbure – se dit surpris par les directives de l’État. Conscient de la gravité de la situation, il écrit : « de grâce ne refaisons pas l’erreur du premier tour en organisant ces élections ».
Laurent Massel, son proche collègue, maire de Bezange-la-Grande (54) a envoyé un mail au sous-préfet disant qu’il ne souhaite pas réunir le conseil municipal pour élire le maire et les adjoints. « Au vu de la crise sanitaire que nous subissons, il est hors de question de réunir onze personnes dans une salle de mairie ».
Même écho en Bretagne. Selon Ouest France, Claude Blanchard, maire de Saint-Julien (22) refuse de convoquer le nouveau conseil municipal pour procéder à son installation. Il considère cette réunion en totale contradiction avec les mesures de confinement liées au coronavirus.
Dans ses propos rapportés par nos confrères, il explique : « J’aurais dû refuser [dimanche] d’ouvrir les bureaux de vote. Cette fois, je ne vais pas faire la même bêtise et rassembler vingt personnes dans la salle du conseil, alors même que le confinement a été annoncé par le président de la République lundi soir, que les déplacements sont limités, que les services communaux sont organisés en conséquence, ce qui signifie la fermeture de quasiment tous les services. C’est hallucinant. »
IL Y A UN RISQUE…
Pour alerter le Gouvernement, une tribune a aussi été signée en ce sens dans Le Figaro par une douzaine d’élus (essentiellement des Francs-Comtois) qui jugent trop dangereux de réunir les conseils municipaux pour installer les maires.
Car oui, il y a un risque… Comment interpréter d’ailleurs autrement ces recommandations du ministre : au moins un mètre d’écart entre chaque élu, du gel hydroalcoolique dans la pièce, une distribution de gants pour le vote… Et le comble de tout, un système de procuration pour ceux qui ont plus de 70 ans… Ce qui voudrait dire que nombre de maires ne pourraient même pas assister à leur propre élection ! Eh oui, des maires de plus de 70 ans, il y en a quand même quelques-uns dans ce pays. En n’oubliant pas que l’installation du nouveau conseil doit être faite par le doyen d’âge; qu’il y a un quorum à respecter ; que pour son calcul, seuls les conseillers municipaux personnellement et physiquement présents comptent; que s’il n’est pas atteint, il faudra reconvoquer trois jours plus tard.
ET ON RECOMMENCE POUR LES INTERCOMMUNALITÉS
Cela ne s’arrêtera pas là. Alors que la crise sanitaire commencera au mieux à s’éloigner, il faudra dans les semaines qui viennent, convoquer les maires (en premier lieu) pour installer les intercommunalités. Des assemblées parfois nombreuses où l’on retrouvera des soignants et des personnes parfois fragiles. En sachant qu’il faudra de toute façon renouveler l’opération lorsque seront élus les maires des communes où il y a un second tour. Des remarques parmi celles formulées dans la tribune publiée dans Le Figaro.
Reste maintenant à savoir si notre Gouvernement saura écouter, entendre mais aussi tenir compte de ces remarques. Où s’il restera inflexible auquel cas. Convoquer les élus du 1er tour, pour procéder à l’élection du maire et des adjoints est de la responsabilité du maire sortant, en conscience. Convoquant par obligation pour respecter la loi. Ou refusant de le faire par devoir, pour protéger sa population.- Philippe VINCENT-CHAISSAC / Votre Info
Excellente analyse de la situation.
Malheureusement, ce gouvernement n’est pas à une contradiction près et, dans de telles circonstances, il est permis de douter de sa compétence et de son aptitude à gérer la crise.