Félicia D’Assunçao-Pailleux : la fierté du drapeau portugais

C’est un petit bout de femme de 84 ans qui porte le poids de toute une mémoire collective… Celle des anciens combattants portugais qui ont livré bataille sur la Lys dans les années 1917-1918. Félicia D’Assunçao-Pailleux, madame Félicia comme on l’appelle dans le milieu des anciens combattants, a chez-elle, rue du Cavin, un petit musée familial où tous les souvenirs de soldats de son père sont exposés… Souvenirs intimement liés à un drapeau qu’elle porte fièrement depuis mai 1990, jour de l’inauguration d’une stèle commémorative à Robecq où elle avait défilé en compagnie d’homologues britanniques. Première sortie officielle, auxquelles beaucoup d’autres se sont ajoutées,  jusqu’à celle du 13 novembre dernier, à Lisbonne, où elle a redonné officiellement au Portugal le vieux drapeau, l’historique (pas celui qu’elle porte pour les défilés), celui demandé en 1924 et accordé en 1929 aux membres de la Ligue des anciens combattants portugais de Lillers et environs… Drapeau qui était exposé en mairie de Lillers depuis 1978 et que son père avait eu en charge jusqu’à son décès. En échange, elle s’est vu remettre un drapeau tout neuf, ui sera dévoilée samedi, salle saint-Cécile à Lillers à l’occasion d’une cérémonie officielle, copie de l’original parti rejoindre un musée à Lisbonne. Alors, depuis quelques jours, c’est branle-bas-le-combat chez madame Félicia qui rassemble ses souvenirs.
Madame D’Assunçao rappelle immanquablement qu’elle fait tout ça pour la mémoire de son père, Joao D’Assunçao, originaire de Pontabarca, débarqué à Brest en 1917, pour rejoindre Aire-sur-la-Lys via Rennes, Rouen, Amiens et Ambleteuse, avant de monter sur le front dans le secteur d’Armentières où il participera à la bataille de la Lys, connue en Belgique comme la 4e bataille d’Ypres. Armurier-serrurier dans le 23e régiment d’infanterie puis le 35e RI recomposé à partir d’autres régiments décimés, Joao D’Assunçao a passé 441 jours du côté de Richebourg, Laventie, Armentières… « Le combat des soldats portugais a souvent été oublié, dit Félicia, qui souligne qu’ils étaient souvent mis en première ligne et ont connu d’énormes pertes ». Les périodes de repos étaient très courtes et c’est à l’occasion de l’une d’elles, dans une ferme à Ecquedecques, qu’il a rencontré Mélanie. « Lorsque la guerre a été finie, mon père a fait partie de ceux qui ont refusé de monter dans le bateau qui devait le ramener au pays »… Parce qu’il voulait épouser sa Mélanie, avec qui il a eu quinze enfants. En procédant ainsi, il se coupait de sa famille, et de la mère-patrie puisqu’il lui était interdit de rentrer au Portugal. « Les choses ont ensuite changé et il y retournait chaque année ».
Mineur, mais aussi marchand de cycle, électricien (en son temps, il refit toute l’électriticité de l’église d’Ecquedecques), Joao D’Assunçao faisait partie de cette Ligue des anciens combattants de Lillers et environs à laquelle il était très attaché et dont sa fille, Félicia, est aujourd’hui la digne représentante. Installée à Burbure depuis 1947, l’année de son mariage avec André Pailleux, décédé il y a quelques années, un mineur qui aurait certainement mérité beaucoup mieux tant il était brillant étudiant, elle continue donc à entretenir vaillamment la mémoire, même si ça devient un peu plus dur. L’âge est là.

Notre illustration : 10 novembre 2010, à Lisbonne, Félicia D’Assunçao dit au-revoir au vieux drapeau exposé jusqu’alors en mairie de Lillers, sous les yeux de Joachim Chito Rodrigues, général président de la Ligue des combattants portugais (photo aimablement prêtée par Mme D’Assunçao).

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